Le culte de la Liberté

Le culte de la Liberté

jeudi 14 mars 2013

Ce que le nouveau pape ne sera pas


Prenant de court tous les spécialistes et autres “papateurs”, le conclave a accouché d’un nouveau pape presqu’inconnu. C’est une occasion rêvée pour les mêmes commentateurs de nous dire ce que sera, ou devrait être, le nouvel occupant du trône de Saint Pierre. Chez nous, cela se fait à grand renfort de spécialistes de tout aloi, même si les “modernes” ont manifestement la côte de notre RTBF national, à côté des représentants du culte laïc qui y sont tout particulièrement en odeur de sainteté.
  • Soit dit en passant pour les lecteurs non-belges : En Belgique, l’état reconnaît et subventionne plusieurs cultes. Parmi eux se trouve aussi “le culte” laïc qui organise d’ailleurs, tout comme les autres cultes, des baptêmes, des mariages, des funérailles etc. Quand on invite des responsables de culte à débattre sur une question de culte, comme les événements autour de la démission et de l’élection du pape, on invite régulièrement, et parfois majoritairement, des représentants du culte laïc dont l’opinion sur un problème catholique interne est apparemment jugée incontournable.

Permettez-moi de ne pas ajouter mon grain de sel à la discussion de ce que devrait être le nouveau pape. Je ne suis pas Catholique et ce n’est donc pas à moi d’en parler. Non pas qu’il n’y aurait rien à dire. A entendre ce que la Radio et Télévision belge juge important de faire passer comme message, j’ai l’impression qu’on voudrait surtout que le prochain pape soit tout sauf … catholique ! Qu’il parle des pauvres, très bien. Mais qu’il soit un conservateur sur le plan éthique, quelle idée épouvantable ! Pourtant, qu’on le veuille ou non, l’éthique catholique, celle qui est enseignée par le catéchisme officiel de l’Eglise catholique est une éthique diamétralement opposée à ce que nos pays occidentaux voudraient rendre obligatoire, dans un élan “démocratique” (démoncratique ?) remarquable. En tant que pasteur protestant, les positions éthiques du pape précédent, comme probablement celles du nouveau pape sont justement la chose par excellence (la seule chose ?) où entre Chrétiens d’obédience différente on peut, et on devrait, se retrouver.

Cela étant dit, j’aimerais dire ce que, de toute façon, le nouveau pape ne sera pas.

Il ne sera pas le chef de la Chrétienté
On oublie parfois un peu vite dans nos pays à arrière-plan catholique, que la Chrétienté n’est pas que catholique. Le pape est tout juste le chef de l’Eglise catholique. Une Eglise de plus d’un milliard de chrétiens? Je l’ignore. La statistique est un domaine difficile. Et le monde n’est plus ce qu’il était, y compris le monde catholique. Le nouveau pape, sera-t-il le chef de tous les Catholiques ? On devrait en douter, et notamment sous nos latitudes. Un pape “conservateur” ne sera pas suivi comme chef par les Catholiques libéraux et modernes, ni un pape libéral par les Catholiques conservateurs. Et combien y a-t-il aujourd’hui de Catholiques qui sont en fait leur propre pape ?
Qui est vraiment le chef de l’Eglise ? C’est sans doute un peu dur à admettre, mais la Bible ne laisse pas l’ombre d’un doute : Christ est le Chef de l’Eglise, et il n’a jamais confié cette position à qui que ce soit d’autre. Voici ce que dit la Bible : Le Christ est placé bien au-dessus de toute Autorité, de toute Puissance, de toute Domination et de toute Souveraineté : au-dessus de tout nom qui puisse être cité, non seulement dans le monde présent, mais aussi dans le monde à venir. Dieu a tout placé sous ses pieds, et ce Christ qui domine toutes choses, il l’a donné pour chef à l’Eglise qui est son corps, lui en qui habite la plénitude du Dieu qui remplit tout en tous. (Ephésiens 1.21-23)
Non, il n’y a eu pas de trône vacant pour un vicaire (= remplaçant) de Christ. Et si tant est qu’il y ait un vicaire, ne serait-il pas l’Esprit-Saint ?

Il ne sera pas le successeur de Saint Pierre
Le pape, celui-ci ou un autre, n’est pas et ne sera jamais le successeur de l’apôtre Pierre. Pour la simple raison que l’apôtre Pierre n’a jamais été évêque de Rome et qu’il n’a jamais eu des successeurs. L’Eglise n’est pas fondée sur Pierre. “Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise” (Matthieu 16.18) ne veut pas dire : “Sur toi je bâtirai mon Eglise.” Le Catéchisme de l’Eglise Catholique, œuvre de Jean-Paul II et du futur Benoît XVI, dit au § 424 : “… nous croyons et confessons au sujet de Jésus : ‘Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant’ (Matthieu 16.16). C’est sur le roc de cette foi, confessée par S. Pierre, que le Christ a bâti son Eglise.” Sur quel roc est bâtie l’Eglise, sur le roc de la confession de Pierre, ou sur le roc qu’est l’apôtre ? Le Catéchisme dit en fait les deux. Mais seule la première interprétation a été soutenue au travers de l’histoire et s’accorde avec le reste du Nouveau Testament. La deuxième interprétation est l’apanage de la papauté naissante afin de mieux asseoir son pouvoir.
Aucune promesse n’a jamais été donnée à Pierre au sujet d’un éventuel successeur. Comme il était marié, il a peut-être eu des enfants. Son fils spirituel était Marc, l’évangéliste.[1] Mais l’Eglise ne s’attendait nullement à ce qu’un successeur soit désigné ou découvert. Bibliquement, la question de la succession de Pierre est close.
L’Eglise n’est pas bâtie sur le fondement de Pierre et de ses hypothétiques successeurs. La Bible dit : Dieu vous a intégrés à l’édifice qu’il construit sur le fondement que sont les apôtres, ses prophètes, et dont Jésus-Christ lui-même est la pierre principale. (Ephésiens 2.20)

Il ne sera pas infaillible
Le ministère de Pierre était-il caractérisé par cette capacité remarquable ? De toute évidence, la réponse doit être négative. Là où son jugement était mis en question en matière de foi et de mœurs, en Galates 2, l’apôtre Paul le contestait et l’a forcé à changer sa position. Et lorsque le “concile” de Jérusalem, en Actes 15, s’est réuni pour une question grave de doctrine, Pierre ne le présidait même pas; la question fut finalement tranchée, non par un rappel de sa position à lui, bien que celle-ci était manifestement juste, mais par un appel à l’Ecriture.
Vatican II (Lumen Gentium 25) rappelle que “l’assentiment religieux de la volonté et de l’intelligence est dû, à un titre singulier, au magistère authentique du Souverain Pontife, même lorsque celui-ci ne parle pas Ex cathedra...” Mais quel homme peut supporter un tel poids ? L’histoire et la nature humaine nous répètent suffisamment souvent à quel point l’homme est faillible, même quand il est pape. Il a déjà été vu qu’un pape a été condamné par un concile œcuménique pour hérésie …

Il ne possèdera pas les clefs du Royaume de Dieu
En Apocalypse 3.7, bien après la mort de Pierre, Christ se présente à l’apôtre Jean comme celui qui a la clé de David avec le pouvoir d’ouvrir et de fermer. Apparemment, il n’a pas prêté cette clé à Pierre et encore moins à ses hypothétiques successeurs.
Cependant, “les clefs du royaume” sont bel et bien données à Pierre, et à lui seulement : Je te donnerai les clés du royaume des cieux : tous ceux que tu excluras sur la terre auront été exclus aux yeux de Dieu et tous ceux que tu accueilleras sur la terre auront été accueillis aux yeux de Dieu. (Matthieu 16.19) Comment en voyons-nous l’usage dans le Nouveau Testament ? Comment ouvre-t-il les portes à qui que ce soit ?
En Actes 2, 8 et 10, l’apôtre Pierre est la personne clef dans l’expansion de l’Eglise parmi les Juifs, les Samaritains et les païens (cf. Actes 1.8). Ensuite, dès Actes 13, il disparaît du récit. Ses lettres n’apportent aucune autre lumière sur cette question. N’est-il pas évident dès lors que le pouvoir des clefs concerne le rôle de l’apôtre dans l’évangélisation ? La discussion en Actes 11.1-18 ne va-t-elle pas dans ce sens ? Et en Actes 15.7, Pierre semble tirer la même conclusion.
Personne en dehors de Christ n’a le pouvoir d’exclure quelqu’un du royaume de Dieu. Personne n’a ce pouvoir judiciaire et spirituel dans l’Eglise universelle, sinon Christ seul par son Esprit. Nous serions tentés d’y ajouter : heureusement !

Sera-t-il un Chrétien ?
Quelle question incongrue ! Pourtant, il nous faut poser cette question. Permettez-moi de la poser d’abord dans l’histoire. 
Pie XII était-il Chrétien ? Sans aucun doute si la question veut seulement dire : Faisait-il partie de la Chrétienté. Mais est-ce poser la question de la bonne façon ? Un pape qui laisse son monde (ancien nonce apostolique à Berlin, il connaissait plutôt bien le régime Nazi) exterminer le peuple de Dieu, est-il Chrétien ? Pensez à la parole de Jésus : Alors il leur répondra : Vraiment, je vous l’assure : chaque fois que vous n’avez pas fait cela au moindre de ceux que voici, c’est à moi que vous avez manqué de le faire. Et ils s’en iront au châtiment éternel. Tandis que les justes entreront dans la vie éternelle. (Matthieu 25.45,46)
Jean-Paul II, était-il Chrétien ? Sa devise était : Totum tuus, tout entier à toi. Dit de Christ, cela plaide en effet en faveur d’une foi chrétienne au sens biblique du mot. Mais sa devise concernait la vierge … Alors, Chrétien, ou “Marien” ?
Le nouveau pape a quelques similitudes avec Jean-Paul I, le pape qui n’a pas survécu à ses réformes (qui, elles, ne lui ont pas survécu non plus).[2] Etait-il Chrétien ? Je l’ignore. Mais je suggère que le nouveau pape devrait écrire au-dessus de son lit : “Souviens-toi de Jean-Paul I”.
Sera-t-il Chrétien ? Ce sera son plus grand défi.

Voir sur cette question mon Le Catéchisme de l’Eglise Catholique, un autre  Evangile ? pp 37-49, librement accessible sur mon site www.croiretcomprendre.be.



[1] Cf. Marc 1.30; 1 Corinthiens 9.5, 1 Pierre 5.13
[2] Il faudrait lire absolument le livre de David Yallop, Au nom de Dieu, Christian Bourgois éditeur, 1984.

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